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dimanche 28 mars 2010

Tribune Y, rang 72, place 8: une histoire de la finale de la Coupe de la Ligue

7h 52: départ en train pour Paris via un changement à Lyon. C'est une vérité statistique, tout jour de finale se commence par la lecture religieuse des pages foot de L'Equipe. Page 3, le quotidien du sport et de l'automobile est formel: Laurent Blanc alignera une équipe bis afin de ne pas fatiguer ses titulaires avant le huitième aller de Champion's face à Lyon. En revanche, pour l'OM, cette finale est l'événement de l'année. Après 2 échecs en finale de Coupe de France en 2006 et 2007, les Olympiens ne veulent pas que se poursuivent les 17 ans de disette. Bien que de moindre standing qu'un titre de champion ou une Coupe de France, il est grand temps que la Coupe de la Ligue dépoussière l'armoire à trophée.

12h 55: avec 2 minutes d'avance, le TGV arrive en Gare de Lyon. 8 heures à tuer avant le début de la rencontre. Rencard est pris avec Simon, acolyte supporter phocéen et fournisseur des maillots et écharpes car, selon lui, le maillot que j'ai porté en 2006 contre le PSG et en 2007 contre Sochaux porte guigne. Va pour le maillot extérieur "Argentine". Evidemment, ça cause de la tactique que Didier Deschamps souhaite mettre en action. Les avis convergent: si Placente est aligné pour défendre sur Ben Arfa, ça va être un massacre.

18h et quelques: départ pour le Stade de France. La ligne 13 du métro se remplit au fur et à mesure des arrêts. Etrangement, les maillots bordelais se voient davantage que les tuniques estampillées "Droit au but". De toute façon, pas de stress, même à 50 000, ils feront toujours moins de bruit que les Marseillais.

Aux alentours de 19h, nous voilà à l'entrée de l'enceinte dyonisienne. Les supporters des 2 camps prennent le même chemin pour accéder au stade mais, de cela, aucun doute que les journaux n'en parleront pas dans leurs éditions.
Virage Sud, les supporters marseillais se rassemblent et se massent devant les tourniquets automatiques. La fouille est quelque peu sommaire. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les hommes chargés de la sécurité sont en mode relax, à l'image de CRS détendus. A moins de 2 heures du coup d'envoi, le virage olympien est quasiment comble. Surprise du côté girondin: un large pan du virage est absolument inoccupé. Pourtant, le match est annoncé à guichet fermé par le speaker doté d'une coiffure à la Beckham dans sa mauvaise période au Real Madrid.
Bon c'est pas tout ça mais la métro bondé a donné soif. En avant pour la buvette et sa bière sans alcool hors de prix. En revenant à nos places, un gars mange du thon à la catalane à même la boîte de conserve. Parce que ouais, on pouvait passer la fouilles avec des conserves dans son sac mais si tu as une bouteille en plastique véritable, on t'enlève le bouchon. Le diable est dans les détails comme on dit.

A une heure du coup d'envoi, le speaker harangue les supporters des 2 camps avec une amitié toute particulière pour les Girondins. Les Marseillais lui dédient un chant où il est question de son orientation sexuelle. Les cigarettes s'allument, les joints se roulent, la tension monte, palpable. Les Bordelais entrent les premiers pour s'échauffer, accompagnée par une bronca du virage Sud. La partie du stade allouée aux Girondins est toujours aussi vide.
Quelques minutes plus tard, les gardiens puis les joueurs olympiens entrent dans l'arène. Aucun doute, la bataille des tribunes est déjà remportée. Tout sauf une surprise. Apparemment, les journalistes de L'Equipe se sont mal renseignés puisque Bordeaux aligne son équipe-type. Nous aurons droit à une vraie finale.

A 20 minutes du début, la Ligue nous gratifie d'un spectacle fait de tissu, de types qui se baladent à 30 mètres au-dessus de la pelouse pour dessiner une coupe de la ligue et de pompom girls frigorifiées par l'averse qui s'abat sur Saint-Denis. C'est bien gentil mais c'est un chouya trop long et ennuyeux. On veut les joueurs!

20h55: enfin le coup d'envoi! Un tifo est organisé seulement par les Dodgers. Les stigmates de la banderole "Anti-ch'tis" sont toujours dans les têtes des dirigeants de la Ligue. Si le virage Sud est plein comme un oeuf, la tribune bordelaise sonne creux, à tel point que l'on voit les lignes de stadiers parfaitement se dessiner avec leur attirail orange fluo d'un goût exquis.
"Aux armes"... Le chant guerrier résonne, impressionnant, transcendant. Ah! si le Vélodrome avait un toit comme ici!

Au bout de 10 minutes de jeu, les Girondins sont déjà dépassés par le jeu olympien. On a beau être à 100 mètres de l'action et ne pas avoir le ralenti, tout le virage crie "Mets-lui un rouge" à l'arbitre après les tacles légèrement appuyés de Sané et Diarra. De la même manière, personne ne comprend pourquoi Brandao est lui aussi averti: "il l'a pas touché!" éructent les supporters.
Le jeu est haché en cette première mi-temps. Le climat devient étouffant malgré les chants lancés par les Yankee Nord et les MTP.

"Mais qu'est-ce qu'il a fait?!". Face à Ramé, Brandao, idéalement décalé par Niang, laisse penser que le Brésilien a mangé la feuille. En réalité, le ralenti démontre que c'est davantage l'ancien gardien international qui a réalisé un exploit. Maudite illusion d'optique!
Les coups de pieds arrêtés sont rares et mal utilisés. Je déteste les corners frappés rentrant ou en deux temps. Le souvenir de l'occasion loupée de Brandao est toujours dans les têtes à la mi-temps. Et si l'OM avait laissé passer sa chance une nouvelle fois?

En deuxième mi-temps, les Phocéens attaquent vers le virage Sud. "On va voir les buts marseillais aux premières loges" tente-t-on de se persuader.
Encore une demi-heure à jouer sans compter les arrêts de jeu. Corner pour l'OM. El Comandante Lucho pour le tirer. J'annonce une tête victorieuse de Mbia ou Brandao. Finalement, c'est Soulé Diawara, transfiguré par son association avec le Camerounais en défense centrale qui coupe la trajectoire de la gonfle au premier poteau. Le corner a été frappé sortant...
Le virage exulte, crie de rage et de joie. Les fumigènes s'enflamment à l'image du peuple marseillais présent dans les travées. Qui ne saute pas n'est pas Marseillais.

Que les minutes vont sembler longues! L'avantage est mince et un retour des Lolo's boys n'est surtout pas exclure malgré l'absence d'occasions franches des joueurs au scapulaire. A raison: 3 minutes après, Mandanda s'offre une frayeur en relâchant une frappe d'un Gourcuff bien transparent au même titre que Chamakh.

"Mais arrête de dribbler, lâche le ballon Ben Arfa! En retrait, en retrait!!!". Après 2 secondes d'hésitation, Ben Arfa exhausse les souhaits des supporters en passant la balle à Valbuena. Rentré 20 minutes plus tôt à la place de Captain Mamad' blessé à la cuisse, le Petit Vélo reprend victorieusement du gauche. Cette fois-ci ça y est! Le titre n'échappera pas aux Phocéens! Il reste 20 minutes de jeu. On a attendu 17 ans, on n'en peut plus!

Les derniers instants sont interminables. Qu'elle tourne lentement cette horloge! Valbuena est accroché côté gauche. Petit Vélo frappe lui-même le coup franc rentrant. Le ballon ne décolle pas assez mais Chalmé touche la balle et prend Ramé à contre-patte. C'est du délire dans les gradins. On s'embrasse, on n'ose y croire tellement la démonstration est totale. Une clameur monte "et 1 et 2 et 3 zéro!!! et 1 et 2 et 3 zéro!!!". Marseille enfin du côté des vainqueurs. Cela faisait si longtemps...
Sané aura beau réduire la marque, l'OM remporte de superbe manière la Coupe de la Ligue.

C'est là que l'on repense à ces 2 finales perdues, à cette disette, à ces exploits qui n'ont jamais été traduits par une nouvelle ligne au palmarès. Les larmes montent aux yeux. Pour les générations nées depuis la fin des années 80, c'est la première fois que l'on goûte à cette ivresse de la victoire. L'émotion est à son paroxysme. Ce n'est pas possible, ce n'est pas croyable, on est dans un rêve éveillé.

Les joueurs viennent communier avec le peuple marseillais. Le nom de M. Louis Dreyfus est scandé par des supporters qui ne l'avaient pourtant pas ménagés de son vivant. Tous les morts sont des braves types dit le dicton. Il n'empêche que le tifo fut émouvant. Dommage que l'on n'ait pas rendu un hommage similaire aux supporters des MTP disparus lors d'un déplacement au Havre la saison dernière....
Margarita Louis-Dreyfus et l'homme Dassier sont en transe. Enfin un trophée!

Le speaker redore son blason en lançant les chants. Qui ne saute pas n'est pas Marseillais!!! Nous sommes les Marseillais et nous avons gagné!!! Ce n'est qu'une Coupe de la Ligue mais la joie est immense, le bonheur palpable.

"Jump" résonne dans la sono, on ne veut pas partir du stade. La soirée sera longue, on dormira peu, et on aura les yeux bien rouges demain matin. Me'n garci francament, je m'en fous franchement.

Ces émotions-là, seul le foot peut nous les donner. Chaque supporter aura son histoire à raconter sur ce match, ses anecdotes, ses exagérations. Je vous ai conté la mienne. Ce fut un grand moment de bonheur communicatif à donner la chair de poule. Dans quelques années, je pourrai dire que j'ai eu la chance d'y être.

Plus que jamais, je suis fier d'appartenir au peuple marseillais.

François Miguel Boudet

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