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mardi 19 janvier 2010

Arnaque, mensonge et vidéo

Tout Marseille et les supporters de l'OM en parlent depuis 2 jours. Une honte. Une arnaque. Un complot. Le but "inscrit" par Marouane Chamack est encore une combine de la Ligue pour faire triompher Bordeaux plutôt que Marseille, la preuve ultime de la haine tenace qu'a la LFP à l'encontre des Olympiens depuis un soir de mai 1993 et un obscur match à Valenciennes.
C'est dans son génotype: la cité phocéenne dérange. Trop gouailleuse, trop rebelle, trop tout. Pas assez lisse et mesurée pour les 'huiles de la capitale' qui la regardent avec mépris depuis toujours.
Alors, et comme à chaque fois qu'une erreur d'arbitrage se produit, le spectre de la vidéo dans le football refait surface. Cette antienne est chantée à l'envi par au choix, les présidents, les entraîneurs, les supporters tout au long de la saison.
Or, et contrairement à ce que croit penser la majorité des amateurs de ballon rond, l'Equipe en tête (j'ai dit amateurs pas connaisseurs), l'arbitrage vidéo est loin d'être la panacée.
Thèse, antithèse, foutaise, mets-toi à l'aise.

Pour commencer, il est évident que l'arbitrage via vidéo-assistance ne changera rien au problème: la décision se fera toujours pas un homme. Et, fatalement, l'homme est faillible. C'est son essence. Par conséquent, une erreur pourra toujours se faire avec la vidéo. Et là on fait comment?
Mise en pratique: l'arbitrage vidéo est demandé pour une action litigieuse. Tellement litigieuse qu'il faut 3 plombes pour prendre une décision. Evidemment, la moitié verra une faute flangrante quand l'autre y verra une simulation. Remember PSG/Lens en finale de la Coupe de la Ligue, finale dite 'de la banderole anti-cht'is'.
Introduire la vidéo revient à reculer pour mieux sauter. Dans le vide. Pauvre Coyote.

Ensuite, il faudra bien instaurer un protocole pour l'introduction du visionnage en cours de match. Si les pro-vidéos sont pléthoriques, leur vision sur le mode d'introduction (sybillin comme allusion n'est-ce pas?) diffère du tout au tout. A l'arrivée, on risque de se retrouver avec un sport calqué sur le football américain que beaucoup trouvent trop lent et trop aseptisé. Effectivement, en NFL, la vidéo est utilisée pour toutes les actions. Cependant, les litiges existent toujours pour déterminer si, par exemple, le joueur était ou non en possession du ballon sur une interception ou si un touchdown doit-être accepté. Le problème est arrivé par plus tard que la semaine dernière en play off. L'effet fut minime puisque ce fut juste le tournant du match.

De plus, la volonté des pro-vidéo est claire: déshumaniser le jeu, l'arbitre et les joueurs. La mécanisation de la société doit-elle se prolonger jusqu'au plus populaire des sports? Ce n'est pas qu'un problème philosophique. C'est aussi une manière de voir l'homme et la société dans laquelle il évolue.
Croire en un complot toutes les 5 minutes devient lassant. Dimanche, l'erreur fut manifeste mais elle ne fut que la conséquence du jeu déplorable proposé par les Phocéens. Quand on joue petit bras toute la première mi-temps et que l'on a l'ambition d'être champion de France, on ne peut pas se permettre de jouer ainsi. Par conséquent, quand on ne se donne pas les moyens de réussir, on s'expose à ce genre de but foireux, des coups de lattes évitables.
Autrement dit, si Marseille n'est pas champion en mai, ce sera à cause de matches moisis comme face à Auxerre ou Lens et pas à cause d'une erreur d'arbitrage. D'ailleurs, il est surprenant d'entendre certaines personnes anti-establishment réclamer à corps et à cris les moyens de Canal + qui, 10 ans auparavant était considéré comme le diable en personne car actionnaire majoritaire du PSG. Autres temps autres moeurs...

Il est notoire de relever qu'une erreur d'arbitrage est systématiquement pointée du doigt par le perdant. C'est une excuse convenue, l'arbre qui planque la forêt d'approximations.
Il suffit de prendre l'exemple empirique de l'attitude de Claude Puel sur les 5 dernières années. Alors qu'il coachait Lille, pas un match ne se jouait sans qu'il n'accusât les arbitres de laxisme et de partialité. Lille dérangeait qu'il criait. Arrivé à Lyon, Puel "ne contest[ait] pas l'arbitrage". Surtout quand il lui est favorable penses-tu. Puel n'est qu'un exemple au milieu des Antonetti, Duarte et consorts. L'argument de l'arbitrage vidéo est l'appanange des chantres de la mauvaise foi et de ceux qui manque de recul et d'analyse critique sur la partie.
Pour s'en convaincre, il suffit d'observer la réaction des Foot... euh pardon des Français qui ont déversé un flot d'insultes incroyable sur Thierry Henry après la désormais légendaire hand of frog. Et la vidéo! Et la vidéo! qu'ils vociféraient alors que la majorité d'entre eux pensaient avant 1998 que le football se jouait avec deux panniers, des raquettes et un ballon ovale. Ont-ils oublié qu'il y eut un match aller où les Irlandais furent apathiques, fébriles dans leur antre de Croke Park et qu'ils prirent le fâmeux but de merde mentionné quelques lignes auparavant d'Anelka? Ont-ils oublié les deux face-à-face de Keane et Duff dans le temps réglementaire du match retour? Le geste d'Henry et sa réaction ne sont pas morales et alors? Si tu veux de la morale, lis la Bible et va à la messe! Si vous cherchez la probité, l'honnêteté, épargnez-vous l'achat de places et d'abonnements à Foot+.
Autre exemple qui démontre bien que ce débat est ridicule: le coup de boule de notre Zizou national en finale de la Coupe du Monde. On y a eu droit à la vidéo cette fois-ci. Combien ont pesté sur son usage ce soir là? Et combien crient aujourd'hui pour son introduction?

Des exemples, on pourrait en trouver des tonnes, le plus célèbre étant celui de Brésil/Norvège de 1998. Analepse: c'est le dernier match de groupe du Brésil. En deuxième mi-temps, l'arbitre siffle un penalty litigieux pour la Norvège. Pendant 3 jours, l'arbitre a vécu un enfer, rappelant à s'y méprendre le film de jean-Pierre Mocky "A mort l'arbitre". Menacé de mort lui et sa famille par des supporters Marocains entre autres car ce pénalty éliminait les Lions de l'Atlas, il a fallu attendre 3 longs jours pour qu'une caméra n'appartenant même pas au dispositif mis en place par les régies officielles filme la faute. Eh oui! Le Norvégien n'avait pas simulé et son pays avait mérité le droit de jouer l'Italie en huitièmes... L'arbitre ne se trompe pas toujours!
Bref, si tu ne veux pas pleurer à la fin d'un match et en vouloir au monde entier, fais en sorte qu'un tel coup du sort n'arrive pas. Il est tout de même légitime qu'un arbitre ait lui aussi des moments de faiblesse. Si on faisait le même cinéma pour chaque joueur qui loupe un corner ou un tacle, on y passerait des semaines entières. Les arbitres doivent être mieux préparés, mieux entourés c'est une certitude. Mais lui imputer la défaite ou la victoire d'une équipe sur ses seules épaules est tout de même hypocrite et pervers.

Pour les sceptiques, les irréductibles qui veulent détruire l'humanité du football, 2 derniers points.
Le premier est gentillet, limite digne d'un spot de la FFF avant la pub de Téléfoot mais il n'en demeure pas moins pertinent par son évidence: sans arbitre on fait comment? On s'arbitre seuls? On demande aux supporters? A Dugarry quand Bordeaux joue?

Le second est révélateur de la subjectivité des défenseurs du tout-image. Il émane du deuxième consultant préféré des Français en matière de football: Sa Sainteté Arsène Wenger. Figure de proue du mouvement avec José Mourinho, il fit en effet son coming out anti -vidéo en début de saison lors de "l'affaire Eduardo do Croatia". Pour ceux qui l'aurait oublié, lors du 3ème tour prémiminaire de la Champion's, les Gunners affrontent le Celtic Glasgow. Lancé en profondeur, Eduardo tombe dans la surface en tentant de dribbler le gardien écossais. Penalty. But. Sauf que le Celtic dépose une réserve affirmant haut et fort que l'attaquant a simulé la faute. Commentaire de Wenger: il est impossible de voir sur la vidéo si Eduardo a plongé ou non. Après, il criait à une hypothétique chasse aux sorcières dans le football. CQFD. Si même les farouches partisans de la vidéo le disent, la démonstration est faite de son inutilité.

Cependant, il convient tout de même de rassurer tous les supporters du monde: on pourra toujours crier "arbitre enculé" à gorges déployées. Le football reste aussi une question de traditions.

François Miguel Boudet

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