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lundi 21 septembre 2009

Un joueur de légende: Garrincha.

Pas facile d'exister pour la postérité quand on a joué aux côtés du Roi, de marquer la postérité quand Pelé occupe toute la place dans les mémoires footballistiques. Pourtant, Manoel Francisco dos Santos alias Garrincha laisse une empreinte indélébile dans l'Histoire du Futebol tant par son jeu virevoltant et génial que par son destin hors du commun à mille lieues d'Edson Narentes do Nacimiento si polissé et consensuel.

S'il avait vécu à l'époque de Victor Hugo, Garrincha aurait pris la place de Cosette. Jugez plûtot: cinquième enfant d'une famille pauvre de la région de Rio de Janeiro, son père est un alcoolique notoire et il naît avec des problèmes congénitaux (colonne vertébrale déformée, jambes arquées et la jambe droite plus courte de 6cm que l'autre à l'âge adulte). A l'époque,il est surnommé "Mané" diminutif de son prénom mais qui signifie également "fou" ou "simple d'esprit". Sa soeur Rosa préféra l'appeler "Garrincha" du nom d'un oiseau brésilien qui préfère mourir plutôt que de se faire attraper. Nickname prémonitoire certainement... A l'origine, Garrincha ne se prédestine pas à une carrière pro préférant s'adonner à d'autres joies comme le sexe et l'alcool par tradition familiale.C'est son oncle qui le proposa à tous les clubs de Rio: Vasco da Gama, Flamengo, Fluminense et Botafogo. Refusé par les trois premiers, Garrincha entre dans l'équipe des Noir er Blanc du Botafogo en 1953. Insaisissable sur le terrain par ses dribbles chaloupés, il justifie pleinement son surnom. Sa popularité devient telle qu'il est désormais surnommé Alegria do Povo (Joie du peuple) ou O Anjo de Pernas Tordas (L'Ange aux jambes tordues) du titre d'une poésie de Vinicius de Moraes.

En 1957, Garrincha plante 20 pions en 26 matches et Botafogo est remporte le titre de la Ligue Carioca. En 1958, il est de la sélection brésilienne en Suède qui gagne la Coupe du Monde la première de k'histoire brésilienne. Considéré comme le joueur à surveiller par tous les favoris, Garrincha se fait voler par la vedette par celui qui n'est pas encore le Roi: Pelé.

Mais ce que donne Mère Nature d'un côté, elle le rend de l'autre. Au Mondial chilien de 1962, Pelé se blesse contre la Tchécoslovaquie et remet Garrincha sur le devant de la scène. L'oiseau ne loupe pas l'occasion: il remporte la Coupe Jules Rimet et est désigné comme le joueur du tournoi. Ainsi, il inscrit un doublé contre l'Angleterre en quart, un autre contre le Chili en demi. Lors de ce match, il est expulsé pour avoir mis un coup de pied au cul à un Chilien mais la Fédé brésilienne arrange le coup et lui permet de jouer la finale face aux Tchécoslovaques.

Garrincha est à son Zenith et sa popularité n'a jamais été aussi forte. Cependant, cette victoire tant collective que personnelle marque le début de son déclin. Sa dépendance à l'alcool s'accroît en même temps que son embonpoint (comme Ronaldinho). Ajoutons à cela de nombreuses blessures et voilà Garrincha éjecté par Botafogo en 1964. Il atterrit aux Corinthians (comme Ronaldo le vrai). En 1966, il explose en plein vol avec la Seleçao éliminée après seulement trois matches.Pour l'anecdote, la défaite face à la Hongrie (3-1) fut à la fois sa dernière sélection et sa seule défaite sous les couleurs Auriverde (50 sélections pour 12 buts). Le Brésil ne perdit jamais quand Pelé et Garrincha jouèrent ensemble.

En 1968, il part en Colombie (Atletico Junior) mais retourne la même année à Flamengo. La descente aux enfers ne s'arrête pas pour autant. Dévoré par l'alcool et l'arthrose, Garrincha accélère sa déchéance. Ruiné, dépressif et impliqué dans des accidents de voiture (dont l'un coûta la vie à la mère de sa maîtresse, la chanteuse Elza Soares), il achève sa carrière chez les seconds couteaux d'Olaria en 1972.

Victime d'une cirrhose, la Faucheuse attrape l'oiseau le 20 janvier 1983.

Au delà d'un palmarès exceptionnel, Garrincha reste un joueur profondément fantasque voire romantique dans sa façon d'envisager la chose footballistique. Mort de faim sur le terrain, il refusait la médiatisation (pas le genre à aller monnayer ses talents au Cosmos de NY) et préférait taper le ballon avec ses potes à Copacabana une fois le match terminé. Illétré (comme Ribéry?), Garricha avait seulement trois passions qui occupaient tout son temps et on le comprend: le futebol (of course), l'alcool et le sexe. Pour preuve, il eut pas moins de 13 enfants de 5 maîtresses différentes! Cette faculté d'être proche du peuple lui vaudra le surnom d'Alegria do povo (la joie du peuple).

Balle au pied, Garrincha détient le record du doublé le plus rapide de l'Histoire avec deux pions en 38 secondes avec Botafogo (premier but au bout de 9 secondes). Précurseur de Maradona, jouant tout en finesse et en touché de balle et feintes de corps, il était capable de dribbler un joueur, repartir en arrière pour le repasser.

Fou furieux sur un terrain, Garrincha l'était aussi en dehors. Ainsi, Pelé raconta qu'il le vit arriver à l'entraînement un flingue à la main après une dispute conjugale.

Cependant, sa façon de virevolter avec un ballon et sa volonté de ne pas changer de style de jeu malgré la viellesse et l'alcoolisme qui le rongeait font de Garrincha une légende du football. Une légende malheureusement encore trop méconnue.

Floréal Dal Canto.

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