vous me tirez de ma retraite épistolaire bien méritée et de ma chaise roulante dédicacée par Julien Rodriguez. Un instant que je monte sur mon déambulateur Francisco Pavon et je suis à vous. Voilà. Ainsi donc, vous voulez savoir s'il est possible d'avoir une activité sportive après 75 ans. Avez-vous si peur du lendemain pour me sortir de ma torpeur et me poser une telle interrogation? Ou, tout simplement, avez-vous dans votre entourage une personne sur le point de prendre un aller simple pour la baraque à Saint-Pierre? De ce qu'on m'en a dit, il faut payer ses boissons et ses cahuètes pendant le voyage. Putain de Ryanair! Trêve de blasphème, faites place à mon exposé médical.
Il est certain qu'au-delà d'un certain âge, il devient très difficile de se déplacer. Imaginez-vous dans quelques années. Recourbé, sortant du lit que vous avez mouillé la nuit, vous vous extirpez du paddock avec les plus grandes difficultés. Chaque pas est une souffrance, les reins brûlent, le fauteuil devant la télé devient un Eldorado inaccessible et vous manquez Motus. Eh oui, vous êtes grabataire et vos chevilles enflent comme celles d'Hatem Ben Arfa. Néanmoins, une telle situation n'est pas rédhibitoire si vous vous y prenez plusieurs années à l'avance. L'exercice physique est un travail de tous les jours et il est fondamental de vous y mettre dès à présent.
Votre question arrive à propos pour vous faire part d'un patient que j'examine depuis plus d'un mois. Bon, son passeport n'est pas vraiment en règle mais, que voulez-vous, c'est la crise, on prend l'oseille peu importe sa provenance. D'autant plus que, quand je dis pas en règle, c'est davantage une supposition qu'une affirmation. En effet, en arrivant tout boitillant sur le seuil de ma clinique, cet homme m'a juré n'avoir que 34 ans en dépit de genoux en très mauvais état qui grinçaient à chaque mouvement et une calvitie qui le faisait ressembler à Dobbs, vous savez, le pilote d'hélico dans la série teutonne Le Clown (pour les incultes, Max Zander est Le Clown). Ressortissant grec, il avait vécu ces dernières années à Majorque et Portsmouth. Au crépuscule de sa vie, il souhaitait finir ses jours dans le Sud de la France, dans la ville où Van Gogh avait connu renommée et folie.
Dès le premier coup d'oeil, je m'aperçus immédiatement que ce personnage était un mythomane patenté mais, malgré tout, je le pris sous mon aile bienfaitrice. Je dois bien avouer que ce patient tombait à pic car je venais tout juste de mettre en place un service "sport et décès" dans ma clinique. Après la signature d'une décharge rédigée en français afin qu'il n'entrave pas un mot (de toute façon, je lui avais planqué ses lunettes; on n'est jamais trop prudent), je lui appliquais ma nouvelle méthode. En dépit de son piteux état à son arrivée, il est parvenu à de très bons résultats en l'espace d'un mois. Chaque jour, je lui imposais de faire le tour de la salle à manger collective avant et après manger. De la même manière, je stimulais sa lucidité et sa vision en lui cachant la télécommande avant Questions pour un Champion. Je dois confesser que les résultats furent plus probants qu'avec Jean-Pierre E, un vieux patient qui bramait qu'il était président de la Fédération Française de Football toute la sainte journée. Assez rare comme spécimen. D'ordinaire, les patients âgés se prennent soit pour Napoléon, soit pour Julien Lepers. Une fois, un sadique s'est même fait passer pour Jean-Pierre Pernaut...
Bref, les résultats dépassèrent mes attentes. De mémoire de spécialiste, jamais je n'ai trouvé de patient plus attentif et réactif. Malgré ses 75 printemps (je persiste et je signe), il a retrouvé sa jeunesse passée, à tel point qu'il a repris une activité physique journalière, à haut niveau qui plus est. Si ça se trouve, vous le connaissez. Pour une fois, je peux bien trahir le secret professionnel: il joue à l'AC Arles et il s'appelle Angelos Basinas.
Cher Michel, j'espère que ma démonstration vous aura remonté le moral. Vous pouvez confier votre membre de la famille sans appréhension. En seulement 4 semaines, il retrouvera ses jambes de gamin. Attention tout de même: le trop-plein d'énergie peut se transformer en flots d'insultes à la moindre contrariété. Ben oui, dans la tête, ça reste un vieux qui, s'il n'a pas son journal ni son pain avant 7h30 n'arrête pas de geindre. Sans parler de la difficulté de lui faire avaler ses cachets pour le coeur. Essayez le coup de la purée surprise avec du jambon et des gélules contre la tension artérielle, ça marche à chaque fois.
Pour d'autres renseignements, n'hésitez pas à me demander, le conseil est défalqué des impôts à hauteur de 30% depuis que j'ai enfin été reconnu d'utilité publique par un comité décisionnel corrompu par l'offre de pilules bleues.
Médicalement vôtre (RIP Tony Curtis),
Docteur Cuauhtémoc Garrincha
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