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mardi 27 juillet 2010

Une équipe de légende: la Lazio Roma 1970/1974

Venez vous dont l'oeil étincelle, pour entendre une histoire encore. Approchez je vous dirais celle de la Lazio Roma des Seventies. Au coeur des années de plomb en Italie, les Biancocelesti étaient de véritables fous furieux, capables de se battre entre eux pendant un match. Fascites, amateurs d'armes à feu, ils remportèrent pourtant le premier Scudetto de l'Histoire de la Lazio Roma en 1974.

Pour bien fixer les choses, la Lazio c'est l'autre club de Rome. Quand l'AS Roma propose un visage sympathique de la Ville Eternelle, les Ciel et Blanc brillent par leurs écarts de conduite, magnifiés par le groupe des Irreductibili qui ne cache pas ses amitiés avec l'extrême droite. L'équipe qui apporta à la SS Lazio son premier titre cultive ce cliché.

Gagner avec une équipe sans fuoriclasse dans ses rangs, la mission est quasiment impossible dans le championnat italien. Pourtant, Tommaso Maestrelli y parvint avec brio, deux ans seulement après la remontée de Serie B en Serie A. Brisant les codes du calcio rital, le technicien rompt avec le catenaccio qui fit la gloire de l'Internazionale d'Helenio Herrera. Davantage que le cadenas défensif, ce sont la Hongrie de Puskas et le football samba brésilien qui l'inspirent. Ainsi, après avoir fait monter Foggia, il est immédiatement embauché par la Lazio en 1970.

Avant d'établir un plan de jeu, Maestrelli recrute Giorgio Chinaglia et Pino Wilson. Autrement dit, 2 types capables de finir dans un épisode de "Faites entrer l'accusé". Toute la Botte a une peur bleu du duo terrible. En plus de prendre Martini, Pulici et Frustalupi, le Mister emmène le milieu de terrain albinos Re Cecconi alias l'Ange Blond dans ses bagages quand il quitte Foggia. La mission est simple: exploser tout ce qui se présente devant les Laziali. Au sens propre comme au sens figuré.

Ainsi, 2 ans avant les Pays-Bas de Johan Cruyff, les hommes de Maestrelli développent le concept de football total. Forcément, quand les joueurs italiens voient ces mecs courir partout sans jamais rien lâcher, ils sont vite débordés par tant de vitesse et d'audace.

Pour créer un tel état d'esprit sur la pelouse, cette sensation de mouvement perpétuel et de hargne, Maestrelli a une méthode bien à lui: mettre le bordel entre ses joueurs afin qu'ils se détestent le plus possible. Pour le moins original...
Les vestiaires laziale étaient séparés en 2 bâtiments. D'un côté, les individualistes désireux d'être LA vedette du championnat (Chinaglia, Wilson, Oddi, Petrelli); de l'autre, les joueurs un peu moins fêlés et davantage collectif (Martini, Re Cecconi, Garlaschelli). Enfin, le gardien Pulici restait seul car considéré comme un déchet de la nature par ses coéquipiers. Ambiance...
Alors, obligatoirement, en match, ça finit par partir en sucette. Face à l'Internazionale, Chinaglia traverse tout le pitch pour coller un kung-fu kick dans la poire de D'Amico. Comme ça, juste parce qu'il était énervé. Et encore, ce n'est que la face émergée de l'iceberg. A l'entraînement, les 2 bandes se lattent sévère lors des oppositions, harangués par MC Maestrelli qui se chargeait avant de provoquer ses joueurs afin qu'ils s'insultassent et envoyassent le bois. Dans une telle atmosphère, les matches ne sont que des balades de santé pour ces dingues.

La saison de la remontée, la Lazio devient l'équipe la plus crainte de la Botte. A l'arrivée, les Biancocelesti finissent 3ème après avoir cru au titre jusqu'à la dernière journée. Leur secret? Une défense en béton armé et une faculté innée d'impressionner les joueurs adverses. Lors d'un match à domicile face à Vérone, la Lazio est menée 1-0 à la pause. Maestrelli, excédé, ordonne à ses hommes de rester toute la mi-temps sur la pelouse, bras croisés, chacun à son poste et d'attendre le retour de leurs adversaires. Action, réaction: tout le Stadio Olimpico, abasourdi, éructe et ne cessent d'insulter l'équipe. De retour, les Véronais se font marave et encaissent 4 pions.

Après l'Italie, l'Europe! Qualifiés en UEFA, les Laziali sont tellement motivés qu'ils vont jusque dans les vestiaires d'Ipswich pour expliquer aux Britons leur façon bien particulière de voir la vie. La sanction tombe: 3 ans de suspension de toute compétition européenne, peine finalement réduite à 1 an en appel. Il faut dire qu'avant ce soir de novembre 1973, les Italiens s'étaient déjà copieusement mis sur la tronche en 1970 avec les joueurs d'Arsenal, pour une histoire de sacs à main, cadeaux des dirigeants Ciel et Blanc qui faisaient un peu trop efféminé au goût de certains Gunners.

Légitimement équipe la plus détestée d'Italie, plusieurs Biancocelesti (Chinaglia, Wilson, Petrelli, Oddi, Martini), cultivant plus que jamais leur penchant pour la provoc' gratuite, clament dans la presse leur amitié pour le fascisme. En même temps, la Lazio n'a jamais été connue pour être un ramassis de gauchistes. C'est pas la Roma ici! Dans un pays où régnait le Parti Communiste dans les urnes, s'avouer ouvertement fasciste était un énième bras d'honneur fait à l'opinion majoritaire. On a l'humour qu'on peut... Cependant, Martini fut davantage qu'un simple provocateur fasciné par les paras. Devenu pilote de ligne chez Alitalia une fois la carrière finie (!), il fut élu député du Mouvement Social Italien (MSI), le Front National local.
A tout cela s'ajoute leur passion commune pour les flingues, utilisés pour leur protection (la peur des Brigades rouges qu'ils dirent), passer le temps lors des mises au vert, éteindre la lumière ou débusquer des Romanisti venus les narguer la veille d'un derby.

Evidemment, une telle équipe ne peut s'inscrire dans la durée. Ainsi, après la troisième place obtenue en 1973 et l'obtention du Scudetto en 1974 (la Roma finit 8ème. Plaisir.), la Lazio achève l'exercice 1974/1975 à la 5ème place et dévisse à la 13ème position la saison suivante.

Fulgurante pendant 3 ans, la Lazio explosa en un rien de temps. Chinaglia et Wilson rejoignirent le Cosmos de New York histoire d'apprendre le tacle à la gorge à O Rei Pelé, Frustalupi partit à Cesena. Martini délaissa le terrain pour les zincs.
Par la suite, une malédiction sembla frapper cette étrange équipe. Maestrelli, dont la Juventus appréciait les méthodes musclées, mourut d'un cancer le 2 décembre 1976. Frustalupi eut un accident de voiture mortel en 1990. Wilson fut au coeur du scandale du Totonero en 1980. Chinaglia est fiché au grand banditisme pour ses liens présumés avec la mafia. Pulici était de l'affaire du faux passeport de Juan Sebastian Veron sans les Nineties. Quant à Re Cecconi, il peut obtenir le prix de la mort la plus ridicule de l'Histoire. Le 18 janvier 1977, toujours prompt à faire une bonne blague, l'albinos entre avec un ami dans une bijouterie, pointe un doigt dans la poche de sa veste et hurle "c'est un hold up". Avant d'avoir eu le temps de se marrer, le taulier l'avait refroidi. Ballot n'est-ce pas?

Dans la droite lignée des Seventies italiennes, la Lazio Roma de Maestrelli était le symbole parfait de cette Italie des années de plomb. Loin du football moderne aseptisé, cette équipe a fait trembler l'Italie tant par le jeu qu'elle proposait que par la peur qu'elle inspirait. Décidément, la Lazio Roma ne sera jamais un club tout à fait comme les autres. Les Biancocelesti ne sont pas là pour être aimés.

Floréal Dal Canto

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