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jeudi 27 octobre 2011

Mass-media: media à la masse

Dans un pays où la culture sportive tient de l'abstraction, le débat à propos des commentateurs sportifs sur les chaînes d'accès public est régulièrement un point d'achoppement crucial entre passionnés et néophytes. Cette querelle est revenu au goût du jour pendant la Coupe du Monde de Rugby, quand le corporate Denis Brognard est venu à la rescousse de Christian Jeanpierre, accusé d'être l'un des pires journalistes sportifs de l'Hexagone. Selon lui, le fait de s'adresser au grand public contraint les commentateurs à employer des termes généraux pour ne pas perdre le consommat...euh...le téléspectateur en cours de route. Une pratique revendiquée par TF1, M6 et le service public mais qui est lourde de sous-entendus.

Denis Brognard n'aurait pas pu faire avocat. Jugez plutôt. En souhaitant défendre son confrère, le présentateur de Koh-Lanta a mis en exergue exactement tous ce que les détracteurs de CJP détestent chez lui. Dans son plaidoyer, Brognard affirme qu'au stade, le journaliste a une place comme Monsieur Tout le Monde et peut se tromper dans ses commentaires car c'est du direct. Peu convaincant comme argumentaire. Au contraire, le rôle du commentateur ne serait-il pas d'éclairer le téléspectateur grâce à sa position préférentielle, par ses connaissances et ses capacités d'analyse et de synthèse?

Or, à l'heure actuelle, sur les chaînes d'accès gratuit, la tendance est qu'il serait anormal d'être précis car le public n'est pas composé uniquement de passionnés comme cela pourrait être le cas sur Canal +. D'une part, ce serait oublier que le niveau des analyses de la chaîne crypté ainsi que l'Equipe du Dimanche, son émission phare, est décroissant, justement car C+ souhaite séduire davantage de personnes sur son antenne. D'autre part, il faudrait expliquer pourquoi l'augmentation du nombre de téléspectateurs pour un match de l'Equipe de France devrait diminuer le niveau de l'analyse. Cela signifie implicitement que le profane qui aimerait s'y connaître un peu plus n'a pas la possibilité de le faire et qu'il doit rester un simple péquin qui regarde sans avoir les outils pour comprendre ce qui se déroule sous ses yeux. Enfin, et cette remarque concerne les matches de Coupe de la Ligue et de Coupe de France, hormis des passionnés et des boulimiques de ballon rond, qui peut bien regarder ces matches où règnent le turn over et qui sentent la lose à plein nez?
En ce qui concerne le rugby, l'absence d'analyse est d'autant plus flagrante et facile à remarquer que les règles sont d'une complexité telle que les passionnés ne mettent pas longtemps avant de débusquer un journaliste à côté de la plaque. Mais, là aussi, l'argument massue de TF1 fut d'affirmer qu'il fallait être général pour que le public s'intéresse.

En définitive, ce genre de raisonnement confirme bel et bien que la France est un pays inculte en matière de sports et surtout, que les chaînes de télévision qui font des pieds et des mains pour retransmettre des événements sportifs n'envisagent quasiment jamais d'apporter un programme permettant d'analyser le match et les tactiques mises en place. En réalité, et l'envolée lyrique de Denis Brognard l'a clairement montré, le but principal n'est pas d'être crédible, créatif, cohérent et intelligent mais de vendre mordicus un beau produit marketing sans fournir aux téléspectateurs les moyens de prendre du recul sur les performances réalisées. Et quand les véritables passionnés s'indignent du traitement de l'information sportive en France, le corporatisme revient au galop pour rappeler que le business est plus important que la compétence.

Choa d'Arelate

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