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mardi 12 juillet 2011

Nés un 12 juillet

Cela fait 13 ans. Treize ans déjà serait-on tenter d'écrire. Un soir de 12 juillet 98, les Français découvraient un sport dont ils n'avaient jamais entendu parler. Jeu à 11 contre 11 dont le but est de mettre un ballon dans des cages gardées par deux types avec des gants qui peuvent prendre le ballon avec les mains, le football devenait enfin populaire dans l'Hexagone. Jour de gloire pour les passionnés, jour de découverte pour l'immense majorité. Depuis, en France, plus rien ne fut comme avant: le Footix était né!

Avant le Mondial 98, le football était faiblement considéré. Pour preuve, Téléfoot était encore une émission de qualité qui donnait envie de jouer au ballon. A l'époque, il y avait du foot, rien que du foot. Pas d'intervention intempestive de "spécialistes" qui sont tellement spécialistes qu'ils sont surtout tricards et au chômdu. Pas de pseudos reportages sur la vie des joueurs dont on a, à vrai dire, pas grand'chose à faire. Rien de tout cela. Les résumés de matches étaient exhaustifs et, à la fin, on avait droit au Top but.
En fait, le foot n'intéressait les gens qu'en de rares occasions (épopées de Reims et Sainté, Euro 84) et les performances en Champion's de Nantes et Monaco passaient relativement inaperçues malgré leur niveau de jeu.

En fait, le foot traînait (rien à voir avec Charles) une réputation de sport pour beaufs, tendance chips-Kro-grattage testiculaire, un loisir d'idiots voire d'illettrés. Avant le titre de champion du Monde, M6 se revendiquait la chaîne 0% foot. Les temps ont bien changé puisque désormais la petite chaîne qui monte est prête à tout pour passer du foot sur son antenne, y compris un Trophée des Champions ou un Luxembourg-France commentés (façon de parler car même les supporters marseillais le trouvent chauvin) par Ferreri.

Avec ce 3-0 historique, le football est devenu sujet de discussion national. Tout le monde s'en mêle, tout le monde a son avis sur la question. Ministres, philosophes, sociologues, tous se sont emparés du football, souvent pour n'en dire que des conneries, sinon, c'est pas drôle. C'est bien simple, depuis treize ans, les lieux communs se multiplient que ce soit à propos des joueurs qui composent la sélection ou à propos des supporters, la plupart méchants, buveurs de bières et dérouilleurs de flics, semant la pagaille et la désolation partout où ils passent.

Sommet de la bêtise, on nous a rebattu les esgourdes avec le fameux slogan "black-blanc-beur". Comme si 22 mecs et un coach avec un accent du terroir allaient tout arranger... Sur des airs de I will survive (merci Candela! Néanmoins, ça reste mieux que Waka waka conseillé en pharmacie pour choper une bonne gastro) et de "Et un, et deux et trois zéro", la France voyait dans les Zidane, Thuram, Karembeu et consorts le magnifique symbole de l'intégration à la française. C'était beau. Certains ont chialé.

Evidemment, la victoire à l'Euro 2000 ne fit qu'accentuer ce sentiment. La France se la racontait et, toujours aussi sûre d'elle (c'est dans son ADN), commençait à coudre une deuxième étoile au-dessus du coq. Et tout s'écroula en Corée du Sud. Les Footix découvraient la défaite. Etrangement, ça leur plut beaucoup moins. Et de héros, les Bleus devinrent zéros. Si populaires pendant 4 ans, ils furent fustigés pour leurs publicités, leurs top-models (Karembeu en sait quelque chose, sifflé car jalousé), leurs bagnoles. Starifiés par les Footix, les footeux étaient mis au piloris par ceux qui les avaient adulés, souvent sans raison, souvent par mimétisme. Autrefois, celui qui s'affirmait supporter passait pour un con; désormais, c'est celui qui n'a pas d'avis sur le foot qui est une andouille.

Malgré l'intermède de 2006, l'Equipe de France ne fait plus rêver les foules, raison de plus pour lui cogner allègrement dessus. Trop de "non-blancs" sélectionnés, trop de bling-bling, trop de trop. L'épisode de Knysna cristallisa encore davantage toute la haine des Français envers ces joueurs gâtés, surpayés, incultes, incapables d'aligner 2 phrases sans faire une faute. Chouchou des Français, Ribéry devint honni. Par sa faute certes mais pas seulement. L'affaire Zahia passa par là bien sûr et la France découvrit la face B du football moderne dont Ti Franck n'est finalement qu'un acteur parmi tant d'autres. Bizaremment, quand il s'agit d'un homme politique, nombreux sont ceux qui réclament de la mansuétude et le respect de la présomption d'innocence. Il est nettement plus aisé de taper sur des footeux qui ont, pour la majorité, arrêté les études à 14 ans et vivent dans une bulle depuis qu'ils sont gamins. Ainsi, il est de bon ton de rosser les footballeurs, comme s'ils devaient expier leurs péchés, s'excuser de bien gagner leurs vies alors qu'ils ne font que taper dans un ballon.

Frustrés par le niveau de l'EdF de football, les Footix changèrent de sports. Ce fut le rugby en 2007; ce fut le handball par la suite. Intérêt éphémère bien sûr. Le soufflet de la Coupe du Monde de Rugby retomba aussitôt la défaite face à l'Angleterre sifflée par l'arbitre. L'effet sera le même quand les handballeurs cesseront de marcher sur l'eau.

Néanmoins, le Footix préfère le foot. Alors, il le compare avec tout. L'environnement tout d'abord. Ah! Ils sont si gentils les supporters de rugby comparés à ceux du foot! On peut y aller en famille, tout ça tout ça. Le salaire ensuite. Ah! Ils sont plus humains les rugbymen, ils sont plus accessibles tout ça tout ça. Les réactions sur la pelouse aussi. Ah! Ils ne contestent pas, ne se roulent pas parterre comme au foot tout ça tout ça. La hype dure jusqu'à la première désillusion. Et si tu aimes tellement le rugby, la solution est simple: va voir du rugby et arrête de nous casser les nougats!

Depuis 3 semaines, le peuple Footix se pique de football féminin, persuadé que les Bleues seront championnes du Monde dimanche prochain, sans avoir vu le moindre match de leur vie, mis à part le dernier quart d'heure de la finale de Champion's du mois dernier. Une chose est certaine, si Abily and co. ne soulèvent pas la coupe, elles retourneront à l'anonymat d'ici 6 mois, une fois que les plateaux télés ne les inviteront plus. Et, si elles gagnent, combien seront présents sur les Champs-Elysées pour les fêter et combien iront les voir au stade la saison prochaine?

Depuis le 12 juillet 98, le sport français s'est trouvé de nouveaux horizons et il est somme toute logique qu'il ait attiré de plus en plus de monde. Simplement, de la même manière qu'il paraîtrait totalement incongru de mettre un philosophe au Ministère des Finances, il serait mignon tout plein que ceux qui ne connaissent absolument rien au sport évitent de donner leur avis autorisé, ne serait-ce que pour épargner nos oreilles. Oui, c'est méchant. Oui, c'est prétentieux. Oui mais c'est vrai.

Choa d'Arelate

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